Quand la machine décide.
Comment Deep Blue a battu Kasparov
La victoire de Deep Blue contre Garry Kasparov en 1997 fut historique. Pour la première fois, la puissance de calcul d’un ordinateur
l’emportait face à l’expérience et l’intuition d’un champion ! Dans son
livre « Behind Deep Blue », Feng-Hsiung Hsu nous révèle les « secrets de
fabrication » de l’ordinateur champion du monde. Une aventure avant
tout... humaine.
La manche décisive a débuté depuis moins d’une heure,
dans une salle comble et devant des millions de téléspectateurs.
Soudain, le grand Garry Kasparov couche son roi noir sur l’échiquier et
se lève. Sans un mot, bras levés, il quitte la salle. Il abandonne.
Son adversaire reste impassible, campé sur son mètre
quatre-vingts et ses 1 400 kilos. Il vient pourtant de réaliser un
exploit historique. Le nom de ce héros ? « Deep Blue », ordinateur
sponsorisé par IBM et piloté par une équipe de 7 personnes. Pour
Feng-Hsiung Hsu, informaticien mordu d’échecs, cette victoire est la
consécration de 12 ans d’un travail acharné. Et pour le monde de
l’intelligence, c’est un moment historique.
Une puissance de calcul hors du commun
Depuis l’invention de l’ordinateur au milieu du XXème
siècle, les ingénieurs rêvent de construire une machine capable de
rivaliser avec l’homme dans le plus célèbre des jeux de stratégie. Il
aura fallu moins de 50 ans pour que le rêve devienne réalité !
Pour le créateur de Deep Blue, les secrets de ce succès
sont simples : 256 processeurs spécifiquement développés pour les
échecs, pilotés par 32 processeurs « généralistes »... et les milliers
d’heures de travail d’une équipe d’hommes passionnés, mêlant
informaticiens et grands maîtres du jeu d’échecs. « Deep Blue est à
classer parmi les grandes aventures humaines », affirme Feng-Hsiung Hsu.
Mais revenons-en aux capacités « surhumaines » de Deep
Blue. Sa puissance de calcul, notamment : capable d’évaluer 200 millions
de positions par seconde, « Deep Blue parvenait à deviner le prochain
coup de Kasparov la moitié du temps », affirme son créateur. Pour
atteindre cette puissance, Feng-Hsiung Hsu a doté sa machine de trois fonctions : un générateur pour recenser l’ensemble des coups possibles, une fonction d’évaluation pour analyser chaque situation et élaborer des scénarios de jeu, et un module d’apprentissage, basé sur le modèle des réseaux de neurones et qui lui permet de « reconnaître » des positions déjà jouées sur un échiquier.
Transformer la quantité en qualité
Au-delà des processeurs, la qualité de la programmation
est à la base de la victoire de Deep Blue. Après des années de mise au
point de la machine elle-même, il aura fallu plus d’un an et plusieurs
matchs de préparation à l’équipe de Feng-Hsiung Hsu pour entrer dans la
mémoire de l’ordinateur tous les types de situations possibles et rendre l’ordinateur « autonome » dans une partie de haut niveau.
Et encore, tout n’avait pas été prévu ! Sans
l’intervention express d’un maître des échecs, la rencontre aurait
d’ailleurs pu tourner court. Garry Kasparov avait en effet prévu une tactique « anti-ordinateur » :
en jouant des coups de débutant, il parvint à affoler son adversaire
pour l’emporter dans la première manche. Il fallut une nuit entière de
travail pour compléter la programmation de Deep Blue - lui réapprendre
les bases, en quelque sorte. Le lendemain, pour la deuxième manche, le
bluff de Kasparov était devenu dérisoire, et Deep Blue égalisa. « Vous
avez su transformer la quantité en qualité ! », reconnut Kasparov.En savoir plus...
Extrait de l'article "Quand la machine décide" www.decisio.info