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mercredi 19 novembre 2014

La Révolution Numérique des politiques publiques



Il faut utiliser les technologies du
« big data » dans la lutte pour l’emploi
et la qualification, estime Alain Bénichou, PDG d’IBM France

L’humanité a souvent du mal à passer de l’invention à l’innovation : deux mille ans s’écoulèrent ainsi entre le moteur à vapeur de Héron d’Alexandrie et la révolution industrielle du chemin de fer... Aujourd’hui, combien de temps faudra-t-il pour que la révolution numérique soit véritablement utilisée pour résoudre les problèmes de notre société ? Car le temps presse !
Dans la France de 2014, quel que soit l’enjeu politique posé, l’impératif de réduire la dépense publique annihile les marges de manœuvre. Je ne crois pas à cette logique du rabotage. L’investissement, en tandem avec une saine gestion, donne des leviers pour agir.
Il est inutile, par exemple, d’augmenter les prélèvements obligatoires. Commençons par récupérer ce qu'on nous doit...il faut donc combattre la fraude fiscale et sociale – 100 milliards d’euros au total – avec les outils du XXIe siècle. De puissants outils analytiques fondés sur les mathématiques probabilistes permettent d’être quatre fois plus efficace dans la lutte anti-fraude : les fiscs américain (Internal Revenue Services) et danois (Skat, « taxe » en danois), y font déjà appel. Demandez-leur !
Nous ne pensons pas pour autant que les dizaines de milliards d’euros ainsi récupérés devraient être seulement affectés à réduire les déficits. Bis repetita : nous pensons que l’urgence, c’est aussi d’investir. Où ? Le grand mal de la France de 2014 étant le chômage de masse, mobilisons donc une partie des sommes recouvrées pour investir dans les ressources humaines de la France, avant et pendant la vie active. Exactement comme nous le faisons dans les entreprises.
Avant la vie active, c’est contre le décrochage scolaire qu’il faut déployer les outils du XXIe siècle : 42 000 jeunes par an sortent du système scolaire sans diplôme, et les carences accumulées à l’école ne sont presque jamais rattrapables. Passons d’une approche curative à une approche préventive : déployons dans nos écoles des systèmes d’analyse cognitive pour comprendre - et, ce, à l'échelle de chaque élève - ses propres causes de décrochage. Cela permettrait au corps enseignant de savoir très exactement comment adapter son approche pédagogique. Du rêve ? Pas du tout... Le Comté de Hamilton, au Tennessee (Etats-Unis) -- l'équivalent d'une ZEP en France -- l'a essayé avec succès : son taux annuel de décrochage scolaire a baissé de 25%.

Anticiper les besoins

Pendant la vie active, c’est sur notre système de formation et d’orientation professionnelle que l’effort d’innovation doit porter. Diagnostiquer l'employabilité de chacun d'entre nous, les compétences effectives et potentielles de chaque personne (chercheur d'emploi ou non) ; identifier les formations dont chacun a besoin pour être rapidement employable en fonction des postes vacants - et au plus près de ce qu’il sait déjà faire ; anticiper les besoins de requalification pour tous ceux dont l’emploi va bientôt disparaître...
Le chantier, sa complexité, son champ de contraintes, sont impossibles à appréhender par le seul esprit humain. L’intelligence artificielle, là encore, apporte une aide appréciable. Appliquer l’approche de l'analyse des données couplée à la lecture systématique et à la restitution de milliers de documents de référence au domaine du retour à l'emploi, des entreprises ou des prestataires de formations : telle peut être la politique de l’emploi du XXIe siècle, si nous voulons qu’elle fonctionne mieux. Vraiment mieux.
Le chômage et les fraudes sont deux enjeux emblématiques, il y en a d'autres. Quel que soit le problème considéré, la gravité des maux de la France de 2014 nous commande de sortir des sentiers battus. Nous ne manquons pas d’inventeurs, mais en termes de gouvernance, nous manquons encore trop d’innovateurs. « Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! »: ce qu’affirmait Danton hier est toujours valable aujourd’hui.

Alain Bénichou
Président d’IBM France

Article paru dans Le Monde daté du jeudi 13 novembre 2014

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