J’ai
commencé à travailler à IBM France le 1er mars 1968. Comme
l’informatique n’était pas encore enseignée dans les Grandes Ecoles ni en
Faculté, les futurs ingénieurs commerciaux et technico-commerciaux suivaient
une formation commune composée de l’Ecole Préliminaire Commerciale (EPC) et du
Cours Général Ordinateur (CGO). Entre les 2 se situait un stage en agence
commerciale. J’ai effectué l’EPC numéro 54. Nous avons été la dernière EPC à
apprendre le ‘matériel classique’, machines qui fonctionnaient avec des relais
électriques, et qui se programmaient avec des fiches, comme on peut en voir
dans les vieux films montrant les standardistes des PTT.
Mai 1968
Mon
stage en agence s’est déroulé pendant les événements de Mai 68. IBM avait des
locaux à Boulogne-Billancourt, au numéro 23 de l’allée Maillasson. Par sécurité,
IBM avait baissé les rideaux de fer au rez-de-chaussée. Précaution utile car
certains jours les ouvriers de Renault et même de Dassault défilaient sous les
fenêtres en criant ‘IBM avec nous !
Les usines Renault occupaient encore Billancourt et l’île
Seguin. Dassault avait des locaux à Boulogne pas très loin.
Les banques également étaient en grève. Les guichets
limitaient les retraits. Au début des évènements, IBM a proposé au personnel de
retirer des espèces sur avance du bulletin de paie. Mais cela n’a pas duré, car
même IBM ne pouvait plus obtenir d’espèces.
Salon du Bourget et Premier Homme sur la Lune
Salon du Bourget et Premier Homme sur la Lune
Fin 1968, après le CGO, j’ai été affecté à l’agence Défense
Nationale. A cette époque, IBM fabriquait des ordinateurs industriels (1800) et
scientifiques (1130). Mon manager m’a affecté à ces machines. IBM fabriquait
également des terminaux graphiques 2250, qui pouvaient être connectés soit aux
360, soit au 1130. C’était le début de la Conception Assistée par Ordinateur
(CAO).
IBM voulait vendre un ordinateur équipé de 2250 à l’ONERA (Office National d’Etudes et de Réalisations Aérospatiales). Avec un ingénieur de l’ONERA, nous avons développé une démonstration pour sa Direction. Nous étions au mois de mars, et la mission Apollo 11, qui a emporté les premiers hommes sur la lune, était programmée pour le 20 juillet 1969. Nous l’avons choisie comme sujet. On affichait sur l’écran 2250 la terre (fixe), la lune qui tournait autour, et la fusée qui allait de l’une à l’autre. On pouvait faire des simulations en choisissant l’instant du lancement de la fusée et sa vitesse. L’ingénieur de l’ONERA a programmé la partie calculs (intégration simplifiée de l’attraction de la terre et de celle de la lune), et moi la partie graphique. J’avais appelé le programme ‘TERLU’.
IBM voulait vendre un ordinateur équipé de 2250 à l’ONERA (Office National d’Etudes et de Réalisations Aérospatiales). Avec un ingénieur de l’ONERA, nous avons développé une démonstration pour sa Direction. Nous étions au mois de mars, et la mission Apollo 11, qui a emporté les premiers hommes sur la lune, était programmée pour le 20 juillet 1969. Nous l’avons choisie comme sujet. On affichait sur l’écran 2250 la terre (fixe), la lune qui tournait autour, et la fusée qui allait de l’une à l’autre. On pouvait faire des simulations en choisissant l’instant du lancement de la fusée et sa vitesse. L’ingénieur de l’ONERA a programmé la partie calculs (intégration simplifiée de l’attraction de la terre et de celle de la lune), et moi la partie graphique. J’avais appelé le programme ‘TERLU’.
La démonstration fut un succès.
Début juillet avait lieu le Salon Aéronautique du
Bourget. IBM avait un stand, car nous voulions vendre aux avionneurs l’IP, un calculateur embarqué développé par
la Division Militaire à Corbeil-Essonnes. IBM a mis sur le stand un 1130 et un
2250 avec le programme TERLU en démonstration. C’était un moyen de promouvoir
la CAO embryonnaire, qui nécessitait de fortes puissances de calcul.
Pour la mission Apollo 11, l’Ambassade des Etats Unis a
organisé une manifestation au Palais de la Découverte à Paris. Elle a demandé
aux entreprises participant à la mission de ‘faire quelque chose’.
IBM Corp était maître d’œuvre de l’informatique embarquée du module de commande de la fusée Saturn V. IBM France a installé au Palais de la Découverte un 1130 et un 2250, et mon programme TERLU. Des visiteurs me demandaient si c’était le 1130 qui pilotait le LEM ! Dans la nuit parisienne les astronautes cherchaient un endroit sûr où se poser. Les heures passaient et je suis rentré chez moi vers 2 h du matin et j’ai allumé la télévision. J’ai assisté à l’alunissage, à la fameuse phrase de Neil Armstrong ‘That's one small step for a man, one giant leap for mankind’. Et j’ai pris des photos des premiers pas sur la lune !
IBM Corp était maître d’œuvre de l’informatique embarquée du module de commande de la fusée Saturn V. IBM France a installé au Palais de la Découverte un 1130 et un 2250, et mon programme TERLU. Des visiteurs me demandaient si c’était le 1130 qui pilotait le LEM ! Dans la nuit parisienne les astronautes cherchaient un endroit sûr où se poser. Les heures passaient et je suis rentré chez moi vers 2 h du matin et j’ai allumé la télévision. J’ai assisté à l’alunissage, à la fameuse phrase de Neil Armstrong ‘That's one small step for a man, one giant leap for mankind’. Et j’ai pris des photos des premiers pas sur la lune !
Quelques années plus tard, IBM France a fait cadeau d’un
1130 et d’un 2250 au Palais de la Découverte. Un des scientifiques a demandé à
l’ingénieur commercial si nous pouvions lui donner le programme TERLU ! Mais,
au fil du temps et des déménagements, le
1130 étant dépassé et la boîte de cartes étant lourde et encombrante, je m’en
étais débarrassé.
Le passage à l’an 2000 – Y2K
Les informaticiens d’aujourd’hui ne se rendent pas compte à quel point la mémoire (vive ou sur disque) était rare et coûtait cher autrefois. Par exemple l’ordinateur IBM 360 modèle 30, qui a été le plus vendu de la gamme 360, comportait en général 64 kilo-octets de mémoire vive. J’ai bien dit kilo, pas méga, et encore moins giga ou Téra. Et c’était un ordinateur d’entreprise, pas un ordinateur personnel. Une des compétences des informaticiens était donc de minimiser l’occupation des programmes et des données. Dans ce but, quand on manipulait une date, par exemple l’année 1975, on ne stockait que ‘75’. Si l’on voulait calculer un intervalle de temps, par exemple avec l’année 1972, pas de problème : 75-72 = 3 ans.
Quand on s’est approché de l’année 2000, de nombreuses applications n’avaient pas été réécrites et géraient encore les dates sur 2 digits. Problème : quand l’année est 2001, stockée ‘01’, 01-72 = -71. Ce qui est faux. Ceci vous donnait une idée de la cause du fameux ‘bug de l’an 2000’. Si on ne faisait rien, on était certain d’avoir des problèmes ! En réalité, ce n’était pas un ‘bug’ mais un cahier des charges qui n’était plus adapté.
Le passage à l’an 2000 – Y2K
Les informaticiens d’aujourd’hui ne se rendent pas compte à quel point la mémoire (vive ou sur disque) était rare et coûtait cher autrefois. Par exemple l’ordinateur IBM 360 modèle 30, qui a été le plus vendu de la gamme 360, comportait en général 64 kilo-octets de mémoire vive. J’ai bien dit kilo, pas méga, et encore moins giga ou Téra. Et c’était un ordinateur d’entreprise, pas un ordinateur personnel. Une des compétences des informaticiens était donc de minimiser l’occupation des programmes et des données. Dans ce but, quand on manipulait une date, par exemple l’année 1975, on ne stockait que ‘75’. Si l’on voulait calculer un intervalle de temps, par exemple avec l’année 1972, pas de problème : 75-72 = 3 ans.
Quand on s’est approché de l’année 2000, de nombreuses applications n’avaient pas été réécrites et géraient encore les dates sur 2 digits. Problème : quand l’année est 2001, stockée ‘01’, 01-72 = -71. Ce qui est faux. Ceci vous donnait une idée de la cause du fameux ‘bug de l’an 2000’. Si on ne faisait rien, on était certain d’avoir des problèmes ! En réalité, ce n’était pas un ‘bug’ mais un cahier des charges qui n’était plus adapté.
Pour information, quand Windows incrémentait l’année 1999 de 1, il retombait à 1984 ! Pourquoi ? L’année de la création du logiciel, parait-il !
En conséquence, les équipes informatiques du monde entier
ont travaillé d’arrache-pied pour, soit modifier les applications maison (mais
certains clients n’avaient même plus les sources), soit migrer vers des
‘packages’. SAP a été un grand bénéficiaire.
Depuis quelques années, IBM avait une offre de services qui consistait à gérer l’informatique des clients (machines et applications) : l’Outsourcing (nom qui a changé plusieurs fois par la suite). Vis-à-vis des Clients, il était hors de question qu’IBM ait des problèmes avec ses propres applications. Le projet Y2K (Year 2 Kilos) était donc fondamental pour la Compagnie, tant d’un point de vue technique que d’un point de vue image. De gros moyens furent donc mis sur le projet.
J’étais responsable des filiales majoritaires d’EMEA, que la Compagnie traitait comme des services internes, car leurs résultats étaient intégrés dans le bilan de chacune des filiales locales IBM. J’ai géré jusqu’à 48 filiales. Certaines étaient critiques pour la Compagnie. Par exemple, en Allemagne, le Consulting était une filiale de 1.100 personnes. En Italie, toute la maintenance était faite via des filiales. IBM gérait l’informatique de très grosses entreprises, comme des banques ou celles de Silvio Berlusconi.
Nous avons tous travaillé très dur, et il n’y a eu aucun problème. Grand succès.
Pour la petite histoire, la France a été le premier pays d’EMEA à passer au 1er janvier 2000, grâce à la Polynésie !
Depuis quelques années, IBM avait une offre de services qui consistait à gérer l’informatique des clients (machines et applications) : l’Outsourcing (nom qui a changé plusieurs fois par la suite). Vis-à-vis des Clients, il était hors de question qu’IBM ait des problèmes avec ses propres applications. Le projet Y2K (Year 2 Kilos) était donc fondamental pour la Compagnie, tant d’un point de vue technique que d’un point de vue image. De gros moyens furent donc mis sur le projet.
J’étais responsable des filiales majoritaires d’EMEA, que la Compagnie traitait comme des services internes, car leurs résultats étaient intégrés dans le bilan de chacune des filiales locales IBM. J’ai géré jusqu’à 48 filiales. Certaines étaient critiques pour la Compagnie. Par exemple, en Allemagne, le Consulting était une filiale de 1.100 personnes. En Italie, toute la maintenance était faite via des filiales. IBM gérait l’informatique de très grosses entreprises, comme des banques ou celles de Silvio Berlusconi.
Nous avons tous travaillé très dur, et il n’y a eu aucun problème. Grand succès.
Pour la petite histoire, la France a été le premier pays d’EMEA à passer au 1er janvier 2000, grâce à la Polynésie !
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