Il faut utiliser les technologies du
« big data » dans la lutte pour l’emploi
et la qualification, estime Alain Bénichou, PDG d’IBM France
« big data » dans la lutte pour l’emploi
et la qualification, estime Alain Bénichou, PDG d’IBM France
L’humanité a souvent du mal à passer de
l’invention à l’innovation : deux mille ans s’écoulèrent ainsi entre le moteur
à vapeur de Héron d’Alexandrie et la révolution industrielle du chemin de
fer... Aujourd’hui, combien de temps faudra-t-il pour que la révolution
numérique soit véritablement utilisée pour résoudre les problèmes de notre
société ? Car le temps presse !
Dans la France de 2014, quel que soit l’enjeu
politique posé, l’impératif de réduire la dépense publique annihile les marges
de manœuvre. Je ne crois pas à cette logique du rabotage. L’investissement, en
tandem avec une saine gestion, donne des leviers pour agir.
Il est inutile, par exemple, d’augmenter les
prélèvements obligatoires. Commençons par récupérer ce qu'on nous doit...il
faut donc combattre la fraude fiscale et sociale – 100 milliards d’euros au total
– avec les outils du XXIe siècle. De puissants outils analytiques fondés sur
les mathématiques probabilistes permettent d’être quatre fois plus efficace
dans la lutte anti-fraude : les fiscs américain (Internal Revenue
Services) et danois (Skat, « taxe » en danois), y font déjà
appel. Demandez-leur !
Nous ne pensons pas pour autant que les
dizaines de milliards d’euros ainsi récupérés devraient être seulement affectés
à réduire les déficits. Bis repetita : nous pensons que l’urgence,
c’est aussi d’investir. Où ? Le grand mal de la France de 2014 étant le chômage
de masse, mobilisons donc une partie des sommes recouvrées pour investir dans
les ressources humaines de la France, avant et pendant la vie active. Exactement
comme nous le faisons dans les entreprises.
Avant la vie active, c’est contre le
décrochage scolaire qu’il faut déployer les outils du XXIe siècle : 42 000
jeunes par an sortent du système scolaire sans diplôme, et les carences
accumulées à l’école ne sont presque jamais rattrapables. Passons d’une
approche curative à une approche préventive : déployons dans nos écoles
des systèmes d’analyse cognitive pour comprendre - et, ce, à l'échelle de
chaque élève - ses propres causes de décrochage. Cela permettrait au corps
enseignant de savoir très exactement comment adapter son approche pédagogique.
Du rêve ? Pas du tout... Le Comté de Hamilton, au Tennessee (Etats-Unis) -- l'équivalent
d'une ZEP en France -- l'a essayé avec succès : son taux annuel de
décrochage scolaire a baissé de 25%.
Anticiper les besoins
Pendant la vie active, c’est sur notre système de formation et d’orientation professionnelle que l’effort d’innovation doit porter. Diagnostiquer l'employabilité de chacun d'entre nous, les compétences effectives et potentielles de chaque personne (chercheur d'emploi ou non) ; identifier les formations dont chacun a besoin pour être rapidement employable en fonction des postes vacants - et au plus près de ce qu’il sait déjà faire ; anticiper les besoins de requalification pour tous ceux dont l’emploi va bientôt disparaître...
Anticiper les besoins
Pendant la vie active, c’est sur notre système de formation et d’orientation professionnelle que l’effort d’innovation doit porter. Diagnostiquer l'employabilité de chacun d'entre nous, les compétences effectives et potentielles de chaque personne (chercheur d'emploi ou non) ; identifier les formations dont chacun a besoin pour être rapidement employable en fonction des postes vacants - et au plus près de ce qu’il sait déjà faire ; anticiper les besoins de requalification pour tous ceux dont l’emploi va bientôt disparaître...
Le
chantier, sa complexité, son champ de contraintes, sont impossibles à
appréhender par le seul esprit humain. L’intelligence artificielle, là encore,
apporte une aide appréciable. Appliquer l’approche de l'analyse des données
couplée à la lecture systématique et à la restitution de milliers de documents
de référence au domaine du retour à l'emploi, des entreprises ou des
prestataires de formations : telle peut être la politique de l’emploi du
XXIe siècle, si nous voulons qu’elle fonctionne mieux. Vraiment mieux.
Le chômage et les fraudes sont deux enjeux
emblématiques, il y en a d'autres. Quel que soit le problème considéré, la
gravité des maux de la France de 2014 nous commande de sortir des sentiers
battus. Nous ne manquons pas d’inventeurs, mais en termes de gouvernance, nous
manquons encore trop d’innovateurs. « Il nous faut de l’audace, encore de
l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! »: ce
qu’affirmait Danton hier est toujours valable aujourd’hui.
Président d’IBM France
Article paru dans Le Monde daté du jeudi 13 novembre 2014
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